Santé des nouveau-nés : Le point avec Dr Timiro Aden, néonatologue à l’hôpital « Cheikho » de balbala

7 septembre 2017 8 h 07 min0 commentsViews: 6

Médecin spécialiste en pédiatrie et néonatologie, titulaire d’un diplôme interuniversitaire de Périnatalogie (Dakar, Lille) et d’un diplôme interuniversitaire de Vaccinologie, Dr Timiro est la seule néonatologue de notre pays. Cette jeune femme travaille actuellement au sein de l’hôpital Cheikho de Balbala qui abrite un service de pédiatrie générale ainsi qu’une unité de néonatologie rénovée récemment et répondant aux normes internationale. En plus de la pédiatrie de manière globale, Dr Timiro est  passionnée par la néonatologie ainsi que par la vaccinologie et la nutrition, qui constituent d’ailleurs l’épine dorsale de la santé de l’enfant.  La santé des nouveau-nés étant, malheureusement très peu connue dans notre pays, elle a tenu à répondre à nos questions pour lever le voile sur la santé de ces petits êtres encore fragiles.

La Nation : Dr Timiro Aden, vous êtes spécialiste en néonatologie, en quoi consiste votre travail ?

Dr Timiro Aden : Le nouveau né est un être à la fois si fragile et si complexe dans sa globalité. Il nécessite une attention particulière et une prise en charge spécifique. La qualité des soins prodigués dans les premières heures conditionne le devenir ultérieur de ce nouvel être. Le passage brusque de la vie intra-utérine (aquatique) à la vie extra-utérine (aérienne) nécessite une adaptation rapide sur le plan cardiaque, respiratoire et métabolique. Dans la majorité des cas, les nouveau-nés naissent avec une bonne adaptation à la vie extra-utérine. En revanche, un certain nombre d’entre eux peuvent nécessiter des soins et une réanimation néonatale. Compte tenu de ce constat, il importe de cerner les différents facteurs de risque d’une naissance pathologique pour proposer une prise en charge adaptée et au mieux de mettre en place des mesures de prévention quand on sait les risques irréversibles parfois encourus. La néonatologie ou plutôt la périnatalogie est une science qui concerne l’étude du fœtus ainsi que le nouveau-né. En effet, elle regroupe la période prénatale qui étudie le fœtus en fin de grossesse ; la période per-natale c’est-à-dire au cours de l’accouchement et enfin, la période postnatale ou après l’accouchement. C’est une sous-spécialité de la pédiatrie qui met le focus sur les nouveau-nés, autrement dit le bébé âgé de 0 à 28 jours.

Pourriez-vous nous expliquer le fonctionnement de ce service de néonatologie et depuis quand ce service a été mis en place ?

Notre unité de néonatologie est partie intégrante de la pédiatrie. Cependant sur le plan pratique, elle est à cheval entre cette dernière et la maternité. Ce sont deux services intimement liés, ce qui est aisément compréhensible quand on sait que le couple mère-enfant forme une entité indivisible qui doit être au centre des préoccupations. La santé de ce couple constitue un indicateur de santé publique.

La rénovation en mars 2017 de l’unité de Néonatologie à l’hôpital Cheiko de Balbala répond à l’objectif national de réduire la morbi-mortalité néonatale.  Cette unité de néonatologie est subdivisée en deux sous-unités. Une unité de soins intensifs où l’on admet les nouveau-nés instables nécessitant des soins urgents et lourds et  une unité qui reçoit les nouveau-nés plus stables et pouvant ainsi rester auprès de leurs mères.

Quel genre de bébés prenez-vous en charge dans ce service ?

Nous accueillons des bébés atteints de pathologies diverses et variées, contrairement à ce que peuvent penser bon nombre de personnes. Bien loin d’une liste exhaustive, les principales indications d’hospitalisations au sein de notre unité de néonatologie sont la prématurité, la post-maturité (dépassement de terme), les faibles poids de naissance, les macrosomes (gros bébés pour leur âge) ,les bébés issus de grossesses multiples à savoir les jumeaux, les triplets ;l’asphyxie périnatale ; les infections néonatales ; les malformations congénitales (cérébrales, cardiaques, ORL, respiratoires, digestives, orthopédiques, rénales, ….), les bébés nés d’une mère porteuse d’une maladie chronique telle que le diabète, le VIH, l’hypertension artérielle. En terme de fréquence, la prématurité vient en tête, suivie de l’infection néonatale et enfin l’asphyxie périnatale. La prématurité est définie selon l’OMS, comme étant toute naissance vivante survenant avant la 37eme SA (semaines d’aménorrhée) à partir du 1er jour de la date des dernières règles, et après la 22eme SA et pesant au moins 500g. Elle constitue un problème de santé publique dans le monde et surtout en Afrique. Elle est source de multiples complications et séquelles, ce qui lui attribue un lourd tribut de décès néonatals.

Fort de ce constat, il est impératif de saisir les principaux facteurs de risques induisant cette prématurité et d’en prévenir afin de réduire de façon significative la morbi-mortalité liée à cette affection. Concernant l’asphyxie périnatale, elle pose également un problème de santé publique en termes d’incidence mais aussi de morbi-mortalité. Elle est due à une souffrance du fœtus survenant à la naissance du fait d’un manque d’oxygène lié essentiellement à un accouchement dystocique (difficile). Vu la gravité et le potentiel handicap ultérieur irréversible que peut engendrer cette asphyxie, notamment l’infirmité motrice cérébrale (handicap psychomoteur), l’épilepsie, les troubles neurosensoriels (surdité, mutité, baisse de l’acuité visuelle) je souligne l’importance de reconnaitre une souffrance fœtale à temps en surveillant étroitement les sages-femmes en travail et d’agir rapidement dès que l’on constate une perturbation du partogramme et du monitoring fœtal. Il faut que les sages femmes, les gynéco-obstétriciens et les pédiatres néonatologues travaillent en étroite collaboration dans un cadre multidisciplinaire pour améliorer les pronostics vitaux et fonctionnels des nouveaux nés.

Quelles sont les complications de la prématurité?

Lorsque l’on parle de prématurité, on parle d’immaturité de toutes les fonctions physiologiques du bébé né prématuré. De façon générale, on distingue trois types de prématurité : La très grande prématurité qui survient avant la 28eme semaine d’aménorrhée, La grande prématurité  entre la 28eme  et la 32eme  SA, Et enfin la moyenne ou légère prématurité entre la 32eme et la 36 SA et 6 jours . Ceci dit, on s’attend à plusieurs complications qui sont d’ailleurs connues d’avance et par conséquent bien codifiées dans leurs prise en charge. On sait que l’accouchement constitue un stress pour le nouveau-né du fait d’un sevrage brutal, faisant passer le bébé d’un état de dépendance générale vers une autonomie de toutes ses fonctions. Lorsque cet accouchement survient chez un nouveau-né qui n’a pas atteint son terme, les principales complications que l’on peut observer sont  des complications générales à type d’hypothermie (du fait d’une immaturité des centres nerveux responsables de la régulation de la température ainsi qu’une faible quantité de graisse brune contribuant à la production de chaleur), d’hypoglycémie ( autrement dit une baisse du taux de sucre dans le sang due à des réserves en sucres basses et une immaturité du foie), d’hypocalcémie (baisse du taux de calcium), d’hyperbilirubinémie (augmentation du taux de bilirubine entrainant l’ictère ou la coloration jaune des muqueuses et de la peau) , des infections du fait de l’immaturité du système immunitaire . Ces complications peuvent aussi concerner les éléments figurés du sang (hématologiques) à savoir une anémie du fait de réserves en fer qui sont basses et d’une sécrétion d’érythropoïétine (hormone qui stimule la fabrication des globules rouges) faible. Au niveau du cerveau, il peut s’agir d’une hémorragie ou encore une ischémie (une restriction plus ou moins de la circulation de sang). Il peut aussi y avoir des complications respiratoires comme une difficulté respiratoire due le plus souvent à une immaturité des poumons (il s’agit de la maladie des membranes hyalines) ; des pauses respiratoires secondaires à une immaturité des centres respiratoires ; et une dysplasie broncho-pulmonaire liée à une dépendance de l’oxygène à partir d’un certain âge après la conception. Des complications concernant le cœur et ses gros vaisseaux à type de persistance du canal artériel (communication normale en période fœtale mais qui doit se fermer après la naissance) et des complications digestives telles qu’une absence du reflexe de succion et de déglutition, un ralentissement de la vidange gastrique.

Quels sont les facteurs de risque de la prématurité et quels sont les moyens de prévention ?

Les principaux facteurs de risque d’une prématurité sont nombreux. Ils peuvent être liées à la mère, notamment à cause du jeune âge (moins de 18 ans), la primiparité ; la multiparité, les maladies maternelles (éclampsie, diabète, maladies cardiaques (cardiopathies), les infections (paludisme, infection urinaire et/ou génitale), les conditions socio-économiques défavorables (travaux domestiques pénibles, métiers à postures debout prolongées, stress, surmenage…), le tabagisme et la chicha, la béance du col utérin, les fibromes utérins… Nous avons aussi les facteurs liés  au fœtus tels que les grossesses multiples (jumeaux, triplets…), les malformations congénitales (aberrations chromosomiques, les embryofoetopoathies, …) mais aussi les infections du placenta et du liquide amniotique. Pour prévenir la survenue d’une prématurité nous exhortons les futures mamans à faire des consultations prénatales (minimum 4) de qualité afin de dépister en amont les facteurs risques précités, d’effectuer une échographie par consultation dont au moins une précoce de datation de la grossesse … Pour améliorer la croissance et la prise en charge du nouveau né prématuré et permettre un lien affectif plus étroit entre ce dernier et sa mère, nous projetons de mettre en place une unité de soins maternels « kangourou ». Il s’agit d’un concept peu coûteux, accessible à toutes qui consiste en un contact « peau à peau » qui peut être continue ou intermittent afin de permettre la stabilisation des fonctions vitales du prématuré ou du bébé de faible poids de naissance.

En moyenne, combien de temps les bébés restent-ils hospitalisé dans votre service ?

La durée d’hospitalisation reste très variable, allant d’une simple observation de quelques heures à une hospitalisation de plusieurs semaines (surtout quand il s’agit d’un élevage d’un prématuré). De façon générale, elle dépend de la pathologie pour laquelle le nouveau né est hospitalisé.

Quels est l’utilité d’une couveuse ?

Encore appelée incubateur, une couveuse est un appareil protégé permettant le développement et la surveillance de prématurés et des nouveau-nés à terme de façon aseptique dans une atmosphère humidifiée, réchauffée et parfois oxygénée. C’est un milieu protégé et séparé du monde extérieur, permettant de pallier la défaillance de la thermorégulation : chaleur constante. Il permet une surveillance clinique de l’enfant.et lutte contre les infections. Ainsi on distingue un incubateur fermé qui est un habitacle transparent, à paroi simple ou double en plexiglas, comprenant des hublots et un module de mesure de la température. Il comporte une partie technique où se situent les systèmes de chauffage, d’humidification et de régulation de la température ; doté d’une sonde thermique cutanée, d’un compartiment pour le bac à eau et d’un placard pour ranger le matériel et un incubateur ouvert composé d’une lampe chauffante située au-dessus du nouveau-né, sur une rampe à hauteur variable. Chacune d’entre elle a des indications bien précises compte tenu de leurs effets bénéfiques. En dernier lieu, je voudrais dire que la néonatologie est un domaine aussi vaste que passionnant. Elle permet de faire considérer à sa juste valeur cet être fragile qu’est le nouveau-né.  Des soins néonataux de qualité doivent être prodigués pour assurer un devenir sain à ceux qui deviendront les hommes et les femmes de demain. La prise en charge efficiente du couple mère-enfant est le reflet infaillible d’une société saine. Pour nous femmes pédiatres, la santé de la mère et de l’enfant est au cœur de nos préoccupations quotidiennes.

Propos recueillis par N. Kadassiya

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