Global Islamic Finance Awards : « Un honneur et une fierté »

7 septembre 2017 8 h 13 min0 commentsViews: 7

Hier à Astana où il a reçu le prix de la Global Islamic Finance Awards, le président Ismaïl Omar Guelleh a prononcé un important discours dans lequel il a longuement évoqué les atouts de la finance islamique, ses succès à travers le monde et l’intérêt qu’aurait l’Afrique à s’y ouvrir davantage.  Le Président n’pas manqué non plus de consacrer des passages conséquents de son allocution à la politique qu’il met en œuvre depuis plusieurs années pour faire de son pays un hub économique et commercial de premier plan. La Nation publie l’intégralité de ce discours présidentiel.

 

Monsieur le Président,

Honorables invités,

Mesdames et Messieurs,

C’est pour moi un honneur et une fierté inestimable et, pour mon pays une consécration que de recevoir le prestigieux Global Islamic Finance Awards. Cette gratification, dont je ne peux m’attribuer seul les mérites, est le fruit d’un travail assidu et passionné d’institutions publiques, d’opérateurs privés et d’investisseurs et des institutions multilatérales convaincues de l’utilité et de l’efficacité de la finance islamique pour soutenir le développement. Aussi, en leur nom et au nom de la République de Djibouti, j’aimerais exprimer notre profonde gratitude et adresser nos plus vifs remerciements au Comité des Awards. Monsieur le Président, Honorables membres du Comité, votre choix et votre décision est une exaltante reconnaissance de notre modeste contribution au développement de la finance islamique qui, dans le même temps, nous transporte et nous met au challenge de nous dépasser pour aller encore plus en avant.

Mesdames et Messieurs,

En ces temps où l’Islam et notre Ouma sont éprouvés car calomniés injustement, à la fois par des individus criminels qui s’en réclament et des médias hostiles très peu à même de distinguer le bon grain de l’ivraie, c’est une grande fierté de mettre en relief un domaine où elle excelle. Ce domaine, c’est la finance Islamique dont les activités ont considérablement évolué à l’échelle mondiale, particulièrement au cours de cette dernière décennie. Son succès, la finance islamique le doit à ses fondements mêmes et à ses principes de fonctionnement puisés dans la Charia, qui la met à l’abri des chocs et des crises. En outre, son lien fort avec l’économie réelle et le caractère compétitif des banques islamiques et de leurs produits financiers innovants, expliquent les performances remarquables de l’industrie financière islamique. Ce sont ces deux valeurs qui lui sont intrinsèques qui l’ont mise à l’abri de la crise de 2008, ce sont également ces valeurs qui font qu’elle séduit de plus en plus, au-delà de sa sphère naturelle.  C’est dire combien, les principes vertueux, tirés de nos Textes Sacrés, qui soutiennent le fonctionnement de cette industrie financière sont nobles et justes. Cependant, au-delà de ses valeurs éthiques profondes, la finance islamique doit également son succès aux inlassables efforts et aux travaux foisonnants, des hommes et des femmes, décideurs, experts et praticiens de notre grande Communauté financière islamique, représentée par les éminentes personnalités ici présentes.

Mesdames et Messieurs, décideurs et praticiens de la finance islamique, vous avez su démontrer que la finance pouvait être concilié avec l’éthique, que l’Islam n’était pas incompatible avec le monde des affaires et, grâce à vos initiatives, la finance islamique est devenue une finance sophistiquée et de qualité que tout le monde recherche.

Distingués participants,

La République Djibouti est un petit pays,  peu peuplé avec des ressources naturelles très limitées. Mais l’infini Grâce d’Allah l’a placée sur l’une des routes maritimes les plus fréquentées, au confluent de trois continents. Fort de cette bénédiction, nous avons fait le pari de faire de Djibouti un hub stratégique, commercial et financier. Cette ambition, nous l’avons traduite dans un programme de développement intitulé « Djibouti Vision 2035». Il s’agit d’une vision à long terme qui a pour objectif de bâtir l’architecture d’un développement économique et social durable et harmonieux.

Dans cette optique, nous mettons tout en œuvre pour nous doter des infrastructures de transports et de communications les plus modernes et les plus compétitifs possibles pour que cette position stratégique devienne une source optimale et pérenne de croissance, d’emplois et de richesses. Avec le concours de pays amis et des partenaires au développement qui nous font confiance, qui savent combien sera porteur le développement économique de notre continent et combien nos projets sont plus que réalistes et rentables, nous avons massivement investi dans des infrastructures portuaires, routières et ferroviaires. Ainsi, Djibouti sera dotée de six ports à la fin de 2017, alors qu’elle n’en possédait qu’un seul depuis son indépendance. D’une seule route asphaltée nous reliant à l’Ethiopie, nous disposerons de trois axes routiers à la fin de 2017. Le chemin de fer n’est pas demeuré en reste. Une nouvelle ligne totalement électrique reliera les deux capitales Djibouti et Addis-Abeba et sera opérationnelle avant la fin de 2017. A ce projet de réseau ferroviaire qui reliera l’Ethiopie et Djibouti, le Kenya, l’Ouganda et le Rwanda ont décidé de s’y joindre prochainement. Ce sont en tout plus de dix milliards de Dollars US qui sont investis dans ces infrastructures du coté de Djibouti. Ces projets d’envergure à caractère structurant alimentent la croissance économique de notre pays, tout en consolidant les bases de son développement.

Mesdames et Messieurs,

La promotion d’un système financier efficace, robuste et sain, est la deuxième composante essentielle de notre stratégie de développement. Pour ce faire, nous avons engagé d’importantes réformes qui ont permis de transformer en profondeur notre secteur financier qui s’est vu densifié en nombre d’opérateurs et diversifié en termes d’activités et de produits financiers. Ainsi, ne comptant seulement que 2 banques conventionnelles et 5 auxiliaires financiers en 2006, ce secteur se compose aujourd’hui de 34 institutions financières, toutes formes juridiques et activités confondues, pour une population de moins d’un million d’habitants. Aujourd’hui, la panoplie de l’offre financière présente tous les types de produits et services financiers et a la prétention de répondre à toute forme de demande du marché local et sous-régional. C’est dans ce foisonnement qu’est née la finance islamique qui demeure donc, relativement encore jeune, à Djibouti où le premier établissement bancaire à caractère islamique ne s’est établi qu’en 2006, après une première tentative dans les années 90, alors que les banques classiques sont présentes sur notre territoire depuis 1908. Aussi, la culture bancaire dominante étant celle de la banque conventionnelle, nous avons œuvré pour prévenir la marginalisation de la finance islamique en adoptant des normes qui lui sont propres et qui lui permettent d’évoluer sous les meilleurs auspices.

Dans cet environnement, les banques islamiques, actuellement au nombre de trois sur onze banques, ont su très vite s’adapter, gagner des parts de marché et voir leurs activités croitre rapidement, grâce à leur efficacité, leur capacité de pénétration du marché et leur propension à l’innovation. Aujourd’hui, l’actif des banques islamiques représente près de 20% de l’actif bancaire total, contre seulement 1,2% en 2006. Les dépôts collectés par ces banques, en progression annuelle de 20%, représentent actuellement 17,5% de l’ensemble des dépôts du système bancaire, tandis que le volume des crédits octroyés par ces banques se situe en proportion à 15% du total des engagements bancaires. Dans le même temps, les banques islamiques contribuent fortement à l’amélioration de l’inclusion financière et le  développement des services bancaires, détenant à elles seules 36% du nombre d’agences bancaires, 25% du nombre de comptes bancaires et 43% du nombre de distributeurs automatiques de billets. Ces bons résultats et leurs perspectives aiguisent l’appétit des banques conventionnelles, dont certaines projettent l’ouverture de guichets islamiques en leur sein.

Honorables invités,

Afin de soutenir pleinement et de renforcer en permanence l’expansion et le rayonnement de notre place financière, notre responsabilité en tant que politiques est d’instaurer un environnement général des affaires incitatif et des plus propices, en mettant en œuvre des politiques idoines et les réformes adéquates. Dans ce processus, la Banque Centrale de Djibouti accorde une attention toute particulière à la révision et la mise à jour périodiques des textes réglementaires pour être en phase avec les standards internationaux et, veille au renforcement permanent de ses capacités de supervision pour encadrer efficacement notre place financière en plein essor.

Les efforts menés dans ce sens ont permis de doter les banques islamiques opérant à Djibouti d’un cadre légal et réglementaire qui leur est spécifique, au même titre que les banques conventionnelles. Ce dispositif a été complété, courant 2016, par la création d’un Comité National de la Charia, composé d’experts en loi islamique et en finance et chargé de veiller sur la régularité et la conformité à la Charia des produits financiers islamiques en république de Djibouti.  Comme affirmé précédemment, l’amélioration du climat des affaires et l’adaptation des cadres juridiques envoie un signal positif aux opérateurs économiques et permet de libérer les potentielles et les initiatives privées.

Les banques islamiques, présentes sur notre territoire, profitant pleinement de cet environnement aménagé et de l’engouement de la population pour leurs produits compatibles avec la Charia, s’illustrent non seulement par leurs performances financières, mais aussi par leurs autres contributions au développement socio-économique du pays. A ce titre, certaines réalisations, telles que la récente installation à Djibouti d’une branche de l’Académie Arabe des Sciences Financières et Bancaires et la traduction des standards de la Charia en langue française, à l’initiative d’une des banques islamiques de la place, en sont des illustrations qui méritent d’être soulignées et saluées. Cette même banque s’est vue, d’ailleurs attribuer, le Prix d’Excellence des banques islamiques en matière de responsabilité sociétale d’entreprise, récemment à Bahreïn. L’ancrage de la finance islamique dans le paysage financier de Djibouti est désormais acquis, tant auprès de la clientèle de professionnels que des particuliers. La réussite et les performances remarquables des banques islamiques concourent, quant à eux, à l’expansion et au développement de notre secteur financier et nous conforte dans nos choix stratégiques. Dès lors, Djibouti, terre d’Islam et carrefour commercial entre l’Afrique et l’Asie, se pose tout naturellement comme la place indiquée pour l’épanouissement de la finance islamique en Afrique.

A ce titre, le Sommet Africain de la Finance Islamique que nous organisons annuellement, dans notre pays depuis 2012, participe à cette volonté de promouvoir le développement de la finance islamique en nos terres africaines.

Mesdames et Messieurs

Nous voulons, pour Djibouti, une finance islamique viable et pérenne, une finance moderne et sophistiquée basée sur la charia qui vienne soutenir l’investissement productif et qui réponde aux besoins multiples de nos entreprises, mais qui s’adresse également de façon appropriée aux couches défavorisées de notre population. Ceci d’autant plus que nous demeurons, à l’instar du reste du continent, confrontés à de nombreux défis en matière de développement social et de financement de nos économies. Car, en dépit de la croissance rapide et soutenue, affichées partout en Afrique et les avancées notables en matière de développement humain, beaucoup reste à faire encore pour éradiquer la pauvreté et l’exclusion sociale dans la plupart de nos pays.

Toute construction humaine est vaine, si elle ne met pas au centre de sa préoccupation l’Homme et, tant qu’il y aura des hommes sans activités, tant qu’il y aura des pauvres, tant qu’il y aura des hommes sans toits, tous les succès économiques, tous les taux de croissance n’auront aucune signification. Aussi, l’atteinte de ces objectifs dans un proche horizon, requiert des investissements importants dans divers domaines stratégiques clés, tels que les infrastructures, l’énergie, l’industrie, l’eau, etc. Ces investissements, estimés à près de 100 milliards de Dollars US sur plusieurs années, nécessitent des financements appropriés, économiquement et socialement soutenables.

Pour cela, la forte expansion actuelle de la finance islamique dans le monde avec les ressources colossales drainées par les fonds financiers islamiques, apparait comme une réponse des plus appropriées à nos besoins de financement.

Les solutions qu’offre la finance islamique ne sont pas justes accessoires ou complémentaires, mais réelles et adaptées à nos besoins, à nos principes spirituels et moraux à plus d’un titre.

En effet, la vertu dans les échanges, la prohibition de l’intérêt, la prévention des pratiques spéculatives et le financement de la production, sont les valeurs prépondérantes pour toute économie en devenir comme les nôtres.

Le constat pour l’heure cependant, est que son grand retard concernant le développement de ce secteur s’avère dommageable pour l’Afrique au regard de l’intérêt croissant que portent les pays occidentaux à la même question. La pénétration de la finance islamique en Afrique reste très timide, alors que ses potentialités exceptionnelles ne cessent d’attirer les investisseurs conventionnels. Les actifs attribués au continent sont estimés entre 1 et 2% selon les sources. Pourtant, l’Afrique concentre la moitié des 1,6 milliards de musulmans que compte le monde.

Il est, par conséquent, urgent que le continent africain soit au rendez-vous et que son industrie financière se mette au diapason et ne se ferme pas à cette manne financière dont elle a tant besoin pour dynamiser son économie et asseoir son développement. Nos pays ont soif d’un financement alternatif et j’exhorte les institutions financières islamiques internationales à nous emboiter le pas et s’ouvrir davantage aux formidables opportunités d’investissement et d’affaires que présente le continent. C’est un combat que nous devons mener tous ensemble pour un monde meilleur. C’est l’essence même de notre religion: «Aidez vous les uns les autres à l’accomplissement du bien et de la piété et ne vous entraidez pas à commettre le péché et l’agression» Coran: Verset 2, Sourate 5.

Puisses Dieu nous accorder Sa Grâce et Sa Bénédiction. Amin. Je vous remercie pour votre aimable attention.

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